Comment les forces navales peuvent-elles contribuer à la stabilité et la sécurité en mer ?

15 Nov 2019

Bertrand Demez, coordonnateur du projet GoGIN, a participé au XII Symposium régional des marines militaires, organisé dans l’enceinte de la base navale de Venise du 15 au 18 octobre 2019. Le thème en était :

Des marines au delà de leur rôle traditionnel : Travail d’équipe pour développer la stabilité et la sûreté de la mer

Forum international des chefs d’états-majors, 35 Marines mondiales étaient représentées dont celles des zones Asie, Amérique du Nord et du Sud, Moyen-Orient et pour la première fois la zone Afrique subsaharienne avec la participation de l’Angola, du Nigeria, de la Côte d’Ivoire, du Congo, du Cameroun et du CIC.

Le symposium a été ouvert officiellement par les autorités italiennes (Chef d’état-major de la Marine – CEMM, Chef d’état-major des Armées – CEMA) et les sponsors (Fincantieri, Leonardo). Les discours ont ainsi associé des propos opérationnels et industriels : évolution des menaces et des opérations maritimes, réponses techniques adaptées. Il s’est ensuite déroulé autour de trois sessions de travail.

Première session de travail : « The International law of the sea from Montego Bay to a new Model. The impact on Navies and others ».

Panélistes : CEMM de Malte, France, Chili, Grèce, Tunisie, Royaume Uni; CIC Yaoundé (Narcisso Fastudo) et Italie (Prof Margelleti).

L’ensemble des intervenants a convenu que la convention internationale « Droit de la Mer » (UNCLOS) signée et ratifiée il y a près de 40 ans par 85% des pays (à noter les USA dans les 15% manquants) permet d’assurer une gestion « légale » des espaces maritimes en établissant le principe des ZEE, les droits et devoirs de l’état du pavillon et une base juridique internationale.

Néanmoins, le monde maritime a évolué. Des états émergents faillissent dans la surveillance de leur ZEE. La mondialisation a pour effet de voir apparaître une forme de protectionnisme maritime de la part de certains pays. Seuls les cas de piraterie, de traite d’esclaves et d’émissions radioélectriques non autorisées sont explicitement reconnus par la convention, alors que d’autres activités illégales (pêche, immigration clandestine, trafics de stupéfiants et d’armes) deviennent de plus en plus problématiques. Les technologies ont évolué,  or le statut des  drones et autres engins autonomes n’est pas explicitement prévu dans la convention. Enfin, le cas de la haute mer (au-delà de la ZEE) est un sujet de plus en plus sensible en raison notamment de l’exploitation des ressources sous-marines.

Tous ces nouveaux « paramètres » sont à prendre en compte dans un cadre international révisé. Actuellement en l’absence de ce cadre, ils sont traités au cas par cas et nécessitent une coopération indispensable entre les états, longue et ardue à mettre en place.

Au cours de ce panel, le CIC a dressé un panorama de l’Architecture de Yaoundé. Il a souligné l’appui qui était apporté à la structure par les partenaires internationaux (dont l’ONUDC dans le domaine juridique).

Deuxième session de travail : « Shaping our Navies looking at the blue growth. New capabilities and traditional roles. How to find the right balance between low and high end. »

Intervenants : représentants (généralement les CEMM) des Marines du Portugal, du Japon, de l’Argentine, d’Israël et de la Turquie; directeur adjoint de la confédération des armateurs italiens (Confitarm).

L’ensemble des intervenants a souligné l’importance grandissante que prenait le domaine maritime dans l’économie mondiale. Tous les pays sont dépendants de l’activité maritime (importation/exportation, internet…). Il est par conséquent indispensable de pouvoir assurer la liberté et la sécurité de la circulation et navigation en mer. C’est le rôle dévolu aux Marines. Néanmoins, il est illusoire, même avec l’évolution technologique, de concevoir que chaque pays détienne l’ensemble des capacités d’intervention (sauvegarde de la vie humaine et des biens, surveillance et contrôle des activités maritimes, gestion de crise, conflits armés, etc.). La sécurisation des mers ne peut être assurée que grâce à une coopération régionale, interrégionale ou internationale (effort sur l’échange d’information, capacités d’intervention conjointes, etc.). Certains pays, comme Israël, ont souligné qu’il convenait d’être plus offensif face aux menaces grandissantes qui impactaient le domaine maritime.

Enfin, le représentant des armateurs italiens a fait part de son inquiétude sur l’insécurité maritime qui régnait en Afrique de l’Ouest. Cette situation a des conséquences économiques: « An insecure sea is an expensive sea », il est primordial d’assurer la sécurité des flottes commerciales.

Troisième session de travail: « The evolution of the sea power in the blue century. The maritime domain as key enables to enhance resilience, challenges and opportunities. »

Intervenants : Brésil,  USA, Chine, Qatar, Russie, Gardes-Côtes italiens et Edward LuttWak spécialiste américain en stratégie.

Chaque orateur militaire a souligné que son pays agissait pour assurer un domaine maritime « Sûr, libre et ouvert ». A noter que le représentant de la Chine, au titre du renforcement de la sécurité maritime, a cité l’exemple de la construction par son pays de nombreux phares et stations de sauvetage en mer de Chine.

Dans ce panel, la nécessité d’une coopération étroite entre les marines a été de nouveau soulignée.

Edward Luttwak, a indiqué que la diplomatie navale avait marqué l’histoire maritime mondiale. L’absence de coopération se soldait systématiquement par un échec. Il a également fait remarquer que le concept de puissance maritime (Maritime Power) pouvait aller à l’encontre de celui de la puissance apportée par l’utilisation des mers (Sea Power). Ce sont deux principes qui, mal utilisés ou interprétés, peuvent être des sources de tensions.

En conclusion

Tous les intervenants ont remercié la Marine Italienne pour la qualité de l’organisation et de l’accueil. Les discussions ont démontré des préoccupations communes et la bonne volonté affichée de l’ensemble des Marines de coopérer afin de rendre le domaine maritime davantage sécurisé : Mieux coopérer, mieux se coordonner et mieux échanger les informations.

Certains auditeurs ont fait remarquer que le secteur privé était peu représenté (exceptées quelques agences italiennes) et que le volet inter-agences avait été peu abordé (excepté le volet italien de la Garde-Côte). C’est vraisemblablement l’évolution que doit suivre ce symposium qui permet de réunir des Marines de tous les horizons géopolitiques. Un exemple de la « diplomatie navale ».

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